Tout comme une anomalie, plus une incompréhension fonctionnelle est levée tardivement, plus elle coûte cher à prendre en compte.
Constat général : il est normal de ne pas tout comprendre
Tout d’abord, il faut admettre ce postulat de base : nous serons forcément confrontés, au cours de notre carrière, à l’incompréhension. Cela est vrai pour des internes, cela l’est encore plus lorsque l’on fait de la prestation puisque nous sommes amenés à régulièrement changer de mission, donc de domaine métier, de méthode de travail, d’outil, etc.
Ainsi, il faut avoir conscience :
- qu’il est normal de ne pas toujours tout comprendre,
- que l’on ne nous tiendra pas rigueur de ne pas comprendre dès lors que nous faisons des efforts pour changer la donne et que nos progrès sont perceptibles.
L’incompréhension se voit
Lorsqu’on est face à une personne et que l’on ne comprend pas ce qu’elle explique, que ce soit totalement ou partiellement, ne nous leurrons pas : elle le sent, c’est ce que l’on appelle l’intelligence émotionnelle. Sans que nous ayons à dire un mot, le langage corporel nous trahit :
- sourire forcé,
- voix chevrotante,
- regard fuyant,
- tics physiques (jouer avec son stylo par exemple),
- se réfugier derrière l’écran de l’ordinateur pour prendre convulsivement des notes sans comprendre ce que l’on rédige,
- poser des questions « bateaux » : « qui fait cela ? », « combien de fois cela arrive ? », « comment vous faites pour… ? ». Souvent inutiles, elles ne masquent pas du tout notre incompréhension.
Bien entendu, si l’on n’a rien compris durant l’entretien, il n’y a aucune raison pour que l’illumination vienne a posteriori, durant la phase de rédaction. Aucun miracle en perspective : le livrable sera médiocre, voire mauvais.
Pour en apprendre plus sur l’intelligence émotionnelle, je vous recommande la lecture de l’ouvrage de Daniel Goleman, dont vous trouverez un résumé ici : https://des-livres-pour-changer-de-vie.com/lintelligence-emotionnelle/
Ne pas avoir peur de dire qu’on ne comprend pas
Je ne sais pas comment vous faisiez durant votre scolarité mais, au cours de la mienne, j’ai constaté que certains élèves n’hésitaient pas à lever la main et interroger le professeur lorsqu’ils n’avaient pas compris une explication. Ce n’est pas pour autant qu’ils étaient considérés comme des incapables et beaucoup d’élèves moins téméraires étaient très contents que la question soit posée.
De là à penser que ces élèves interrogateurs réussissaient mieux leurs contrôles que ceux qui se contentaient d’accepter leurs incompréhensions, il y a un pas que je ne franchirai pas…
Dire qu’on ne comprend pas est une marque de professionnalisme
Par conséquent, pourquoi une chose qui allait de soi à l’école devient-elle problématique dans le milieu professionnel ? A-t-on donc si peur de perdre notre emploi, de manquer une promotion, de se voir refuser une augmentation de salaire parce que l’on questionne ? Notre ego est-il devenu si important pour que l’idée de montrer une faiblesse le hérisse ? Nous n’attendons pourtant pas d’un médecin qu’il diagnostique précisément ce dont nous souffrons uniquement sur la base de ce qu’il observe… Non, le médecin interroge son patient, l’enquêteur interroge le suspect, et pour faire un cahier des charges, nous questionnons notre client. C’est dans l’ordre des choses, cela fait partie du travail et il serait donc non-professionnel de ne pas le faire.
A ce titre, il faut savoir qu’un client se plaint rarement qu’un consultant le questionne, c’est plutôt le contraire qui s’observe. En effet, quel message envoyons-nous lorsque nous ne questionnons pas ? Car notre interlocuteur connaît notre CV, il sait que nous n’avons pas de connaissances dans tel ou tel domaine. Aussi, le fait de ne pas clarifier les choses ne lui fait pas se dire « ce consultant doit être très bon, il comprend tout sans poser une seule question, j’ai fait le bon choix. » Non, il s’inquiétera, n’aura pas confiance. Or, au début, la confiance est l’une des plus choses les plus difficiles à maintenir, elle se perd beaucoup plus vite qu’elle ne se gagne. Alors autant commencer à la conquérir le plus tôt possible, dès les premières minutes d’un échange.
Notre guide SOS : quelles postures adopter quand on ne comprend pas ?
A présent que les bases ont été jetées, intéressons-nous aux postures à adopter lorsqu’on ne comprend pas.
Il faut savoir identifier ce qui pose problème. Ainsi le « flou » possède son cycle de vie :
- non identifié : je ne comprends pas une chose mais je ne sais même pas encore qu’elle existe,
- identifié : je suis face à une chose que je ne comprends pas,
- soumis : j’ai mis en place des mécanismes qui vont me permettre de comprendre,
- résolu : j’ai fini pas réellement comprendre et je peux le démontrer.
Nous allons laisser de côté le premier état (« non identifié ») pour nous intéresser directement au flou identifié.
1 – Clarifier tout ce qui n’a pas été compris
Il faut comprendre que lorsque l’on rédige un cahier des charges, on peut être victime du syndrome de la page blanche ou, de la question blanche : on est « sec », on ne sait pas quelles questions poser, un long blanc s’installe… Pour cela, le flou est du pain béni : c’est une source de questions qui va venir alimenter sans effort l’interview, une pépite à transformer.
Cas d’application. Votre interlocuteur vous transmet les informations suivantes :
« Nous voulons moderniser le système de gestion des règlements client. Il faut pouvoir indiquer au niveau d’un client un délai de règlement.
Nous avons besoin de pouvoir rapprocher les règlements constatés en banque avec les factures émises, comme ça nous pourrons identifier les factures non encore réglées.
On doit tracer toutes les actions de relance avec les réponses apportées par les clients. On veut pouvoir catégoriser les clients selon qu’ils sont bons payeurs, payeurs moyens ou très mauvais payeurs. En effet, on veut pouvoir blacklister des clients : avec certains ne plus renouveler de commandes et avec d’autres interrompre les contrats en cours. »
A titre personnel, beaucoup d’éléments me semblent obscurs : les délais de règlement, les actions de relance, les réponses apportées, même « commande », dans ce contexte, me donne des frissons. Alors comment faire en sorte que chacun de ces flous deviennent individuellement limpides et que tout fasse sens ?
Le sujet portant sur la gestion des règlements client, il semble judicieux de commencer par clarifier cela. Qu’est-ce qu’un client au sein de l’organisme ? Y a-t-il une typologie client ? Peut-on obtenir des exemples de client ?
Posez un « nuage de mots » pour visualiser les difficultés.
Le sujet portant sur la gestion des règlements client, il semble judicieux de commencer par clarifier cela. Qu’est-ce qu’un client au sein de l’organisme ? Y a-t-il une typologie client ? Peut-on obtenir des exemples de client ?
Si l’on reformule notre compréhension de ce qu’est un client en intégrant les exemples collectés et que notre interlocuteur acquiesce explicitement, c’est gagné : nous venons de chasser notre premier flou ! Il en reste encore beaucoup mais, au moins, nous avons une base solide sur laquelle avancer.
2 – Avoir un fil directeur (conducteur) pour comprendre pas à pas
Ensuite, c’est le principe de la pelote de laine : on tire le fil et on voit où cela nous mène. Pour cela, l’approche par l’exemple reste une valeur sûre.
Nous vous proposons ci-dessous un exemple de dialogue :
- A. : « Si j’étais client chez vous, que pourrais-je faire ? Vous m’avez parlé de commande… »
- Métier : « Oui, les clients nous passent des commandes »
- A. : « Donc en tant que client, je peux vous passer plusieurs commandes j’imagine. Mais est-ce qu’une commande est passée par un seul client, moi en l’occurrence ? Ou est-ce qu’une commande peut être groupée, c’est-à-dire que je la partage avec un autre client par exemple ? »
- Métier : « Non, la commande est passée par un seul client. »
- A. : « C’est très clair. Est-ce que je peux en déduire qu’un règlement, le paiement donc, concerne une commande ? Peut-on régler plusieurs commandes avec un seul règlement ? »
- Etc.
On le voit, l’idée est donc d’avancer pas à pas, par couple de concepts métier, sans se précipiter. Et tant qu’un couple n’est pas parfaitement compris, on ne change pas de sujet.
3 – IMPORTANT Contrôler que l’on a bien compris
Comment savoir si j’ai bien compris ?
- une définition illustre chaque concept,
- il y a au moins un exemple par concept,
- j’ai reformulé le fonctionnement de ce couple de concepts et mon interlocuteur a validé intégralement ma compréhension.
Et si vous êtes chevronné vérifiez aussi :
- que pour une association entre deux concepts, les quatre multiplicités sont présentes,
- qu’un exemple clarifie les multiplicités les plus complexes, structurantes.
4 – Demander à voir concrètement les choses pour être sûr de comprendre
Un dernier point qui fonctionne bien si l’on travaille sur une application existante : demander à son interlocuteur qu’il nous montre concrètement les choses. Cela est particulièrement efficace si nous n’avons pas les habilitations nécessaires pour aller voir par nous-mêmes (par exemple lorsqu’une évolution concerne des fonctionnalités d’administrateur et que vous ne l’êtes pas.)
J’espère que ces conseils vous seront utiles et vous aideront à entrer plus facilement dans un sujet complexe tout en conservant votre confiance en vous. N’hésitez pas à lire l’article suivant, qui vous éclairera également sur le sujet : https://soscahierdescharges.fr/modeliser-les-donnees-dans-un-cahier-des-charges/
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