Vais-je rendre mon cahier des charges dans les temps ? Tout le monde s’est sans doute posé cette question au moins une fois. Je vais vous donner ici quelques astuces qui vous aideront à y répondre objectivement.
Cet article complète la parution https://soscahierdescharges.fr/7-regles-pour-demarrer-son-cahier-des-charges/. Dans ce précédent texte, j’évoquais 7 règles simples pour bien démarrer son cahier des charges, parmi lesquelles le fait de bien borner le travail dans le temps, avec une date de début et, surtout, une échéance.
Je disais également qu’il fallait mettre la charge de travail en regard de cette échéance pour savoir si oui ou non nous étions en mesure de tenir les délais. C’est ce dernier point que je vais détailler ici, avec un exemple concret.
Le postulat
Un projet a une date de début mais il a surtout une date de fin. Afin de nous organiser au mieux en fonction des tâches, de leur charge et de leur priorité, nous avons besoin de savoir à quelle échéance nous devons rendre le cahier des charges. Cette information est primordiale pour pouvoir anticiper des dérives, remonter des alertes et valider à temps avant la date buttoir… 😉 !
Quelques chiffres clés pour rendre un cahier des charges dans les temps
Imaginons que l’on se trouve dans la situation suivante pour rédiger le cahier des charges :
- Un délai 5 jours ouvrés (du lundi au vendredi par exemple) avec livraison attendue le lundi matin première heure.
- Une charge totale de 2 jours.homme (oui, c’est un petit livrable).
- Une production estimée à 10 pages.
Rappel sur la charge et le délai
Petit rappel pour les plus novices : il ne faut pas confondre la charge et le délai. La charge est le temps réel que vous passez sur une tâche et le délai est la période de temps sur laquelle vous allez devoir répartir votre charge.
Un rapide exemple pour illustrer cela : nous sommes le 1er octobre, nous devons tester la nouvelle version d’une application avant le 10 octobre et l’on nous donne 1j.h pour le faire : le délai est la période allant du 1 au 10 et la charge est 1. On peut alors :
- Travailler une journée complète et consommer toute la charge en une seule fois.
- Répartir la charge sur 4 jours en travaillant par tranche de 2 heures.
- Répartir la charge sur 8 jours en travaillant par tranche d’une heure.
- Faire deux 1/2 journées.
- Etc.
L’important est que la charge tienne dans le délai.
Exemple de situation
Au bout de 3 jours de délai sur les 5 accordés, j’ai consommé 1j.h. de charge et produit 4 pages. Dit différemment : lundi j’ai travaillé une 1/2 journée sur le cahier des charges, mardi je n’ai pas travaillé dessus et mercredi j’ai travaillé une deuxième 1/2 journée.
Question : Vais-je pouvoir rendre le cahier des charges dans les temps ? Comme nous allons le voir, cela dépend de beaucoup de facteurs, dont la qualité (Q) attendue, les coûts (C) et le délai (D) .
Pour en savoir plus sur le triangle QCD, vous pouvez vous reporter à l’article ci-joint : https://organisologie.com/comment-sorganiser/comment-atteindre-ses-objectifs/plan-action/retroplanning/triangle-qcd/
Hypothèse 1 : l’estimation initiale est correcte pour rendre le cahier des charges dans les temps
Si l’on postule que le cahier des charges fera bien 10 pages et si en 1j.h j’ai rédigé 4 pages alors une première règle de trois nous permet d’estimer qu’il faudrait en fait un total de 2,5j.h pour produire les 10 pages. Or, notre commanditaire nous a accordé 2j.h.
Alerte 1 : le problème vient de la charge
Au regard du calcul précédent, il apparaît que la charge estimée initiale a été minorée. J’ai en fait besoin d’une 1/2 journée supplémentaire pour finir le cahier des charges. Sauf, bien sûr, si je sais que les 6 pages restantes sont beaucoup plus simples, donc plus rapides, à produire et que les 1,5j.h seront suffisants pour le faire.
C’est à moi d’arbitrer et de remonter une alerte si nécessaire !
Alerte 2 : le problème vient du délai
Si j’ai consommé mon 1j.h sur une période de 3 jours, je peux projeter qu’en conservant le même rythme il me faudra un délai de 7,5 jours pour finir le cahier des charges au lieu des 5 estimés initialement. Sauf bien sûr si je sais que je peux être quasiment à temps plein sur le sujet au cours des 2 jours restant et que tous les interlocuteurs seront disponibles…
C’est encore à moi d’arbitrer et de remonter une alerte si nécessaire !
Bilan sur les alertes
On le voit, disposer de chiffres ne suffit pas. Encore faut-il les faire parler pour pouvoir remonter une alerte pertinente et suffisamment à l’avance pour que notre commanditaire puisse arbitrer sans être au pied du mur.
Dans l’exemple ci-dessus, les alertes ne s’excluent bien entendu pas : le problème peut venir à la fois de la charge et du délai.
Hypothèse 2 : l’estimation initiale est incorrecte pour rendre le cahier des charges dans les temps
Je m’aperçois que pour traiter l’intégralité du périmètre attendu, ce n’est pas 10 pages mais plutôt 15 qu’il faudrait rédiger. Une rapide réestimation de la charge m’amène à 3j.h. (je remercie au passage la fameuse règle de trois, sans qui rien n’aurait été possible).
Autrement dit, pour mener le cahier des charges à bien, il me manque une journée de charge. Car oui, si le volume à rédiger augmente, la charge augmente également (à moins de fortement dégrader la qualité), pouvant d’ailleurs entraîner un dépassement du délai. La vigilance est de mise !
Alors que faire ? la situation n’est guère confortable… Voici mes 3 premiers conseils .
Conseil n°1 : ne vous mettez pas en surcharge
La dernière chose à faire est d’essayer de faire rentrer ces 3j.h dans les 2j.h alloués, par exemple en faisant des heures supplémentaires non déclarées et en travaillant le week-end !
Je ne dis pas que vous ne serez jamais amenés à le faire mais cela ne peut être en aucun cas la solution par défaut. Pourquoi ?
Vous ne vous rendez pas service
Ok, j’ai mis les bouchées doubles, j’ai sacrifié mon weekend, le document est rendu dans les temps. D’une, je n’aurai pas de médaille pour cela ni de remerciements particuliers : du point de vue du commanditaire, je n’ai fait que mon travail.
De deux, j’habitue mon commanditaire à rendre dans les temps un travail pour lequel, normalement, il aurait fallu plus de charge et / ou plus de délai. En faisant cela, je perds une occasion de « l’éduquer » (lui faire prendre conscience qu’il minimise trop les tâches à réaliser) et, surtout, il ne comprendra pas pourquoi, dans un autre cas similaire, je suis en retard (je ne peux pas systématiquement travailler le weekend). Ces deux derniers points sont d’ailleurs profitables à l’ensemble des équipes…
Vous ne rendez pas service aux autres
Oui, notre attitude vis à vis d’une surcharge de travail impacte aussi nos proches collaborateurs. En effet, puisque j’arrive à rédiger le document dans le délai et la charge impartis (sans avoir indiquer que je prenais sur mon temps personnel pour y parvenir), pourquoi n’en serait-il pas de même pour mes collègues ?
Un principe de base dans les projets et d’avoir un rythme de travail soutenable « indéfiniment ». Absorber la surcharge en faisant des heures supplémentaires ne répond pas à ce principe et l’on contribue ainsi sans s’en rendre compte à accroître la pression sur tous.
J’en parle en connaissances de cause, un chef de projet m’avait reproché cela (j’étais alors un jeune consultant) : alors que le périmètre à traiter augmentait, je continuais à délivrer le travail dans les temps car je finissais plus tard le soir et empiétais largement sur mes samedis. Nous perdions de fait des occasions précieuses de renégocier les délais ou de revoir le périmètre… En gros, je faussais le jeu.
Remontez les choses posément et factuellement
Selon moi, une bonne attitude est de commencer par remonter une alerte à son commanditaire en lui rapportant des faits chiffrés. Pas des formules du type « je pense qu’il me faudrait plus de temps », « je crois que ça ne tient pas dans le délai », etc. Non. Des chiffres, oui !
En effet, au cours de cette phase de discussion qui peut avoir des allures de négociation, peut-être que le commanditaire, en fonction de l’alerte :
- Augmentera ma charge pour finaliser le cahier des charges.
- M’accordera un délai supplémentaire.
- Diminuera le périmètre à couvrir.
- Baissera la qualité attendu.
- Etc.
Voire même dans certains cas abandonnera le projet car son ROI (Retour Sur Investissement) n’est plus intéressant du fait du surcoût que vous lui signalez.
Bref, il existe des tas de scénarios possibles mais, dans tous les cas, on vous sera certainement reconnaissant d’avoir pris les devants et d’avoir été totalement transparent.
Conseil n°2 : ne consommez pas d’avantage sans en informer le donneur d’ordre
Une autre option à vraiment éviter serait la suivante : ne pas informer son commanditaire de la surcharge, consommer plus que ce qu’il a donné et le mettre ensuite face au fait accompli ! Un commanditaire préfèrera (presque) toujours qu’on lui remonte une alerte anticipée de dérive (de charge, de délai, de pages, etc.) plutôt que de devoir payer plus sans avoir eu le choix d’arbitrer.
En effet, si pour lui il est acceptable de financer 2j.h de travail pour le cahier des charges demandé, il considèrera peut-être que consommer plus rend ce même document beaucoup trop coûteux pour l’importance qu’il y accorde !
Pour bien vous rendre compte de l’enjeu, que diriez-vous si le peintre que vous avez engagé pour 2 jours de travail et 35 mètres carrés de surface travaillait en fait 4 jours sans vous en informer et vous présentait la facture ? Seriez-vous satisfait de payer 2 jours de plus sans avoir eu le choix ?
Conseil n°3 : ne dégradez pas le travail sans en informer le commanditaire
Une autre option tentante pour tenir les délais et de rogner sur la qualité : on écrit plus vite, moins bien, les schémas sont bâclés ou, pire, ne sont pas faits… On dégrade son travail pour aller plus vite, avec pour risque que l’on dégrade aussi son image. Un travail peu soigné donné de nous une image de personne peu soigneuse.
Donc si l’alternative pour livrer le cahier des charges dans les temps, en respectant le budget et en traitant la totalité du périmètre, est de baisser la qualité, prenez le temps de soumettre cela au commanditaire. En effet, en fonction de l’usage qui sera fait du document, il préfèrera peut-être que l’on y passe plus de temps afin de rendre un travail impeccable.
En espérant que ces conseils vous seront profitables, n’hésitez pas à nous répondre en commentaire ou à vous abonner à notre newsletter en bas de cette article. Venez partager votre expérience en commentaire sur les sujets en lien avec les cahier des charges !