Y a-t-il de bons indicateurs de pilotage ? Et, par extension, y en a-t-il des mauvais ou des moins bons ?
Pour paraphraser Otis, un personnage d’Astérix incarné par Edouard Baer, je pourrais dire : « Mais, vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bons ou de mauvais indicateurs » mais ce serait faux. Il y a de bons indicateurs ou il n’y en a pas, soit on donne une bonne visibilité sur une situation, en toute transparence, soit on n’en donne pas.
Et l’on peut faire des reportings quotidiens ou hebdomadaires sans jamais rien donner de tangible quant à l’avancement des travaux…
Aussi, avec cet article, je vais essayer de vous faire partager quelques indicateurs de suivi que je trouve pertinents et que vous serez libres d’adapter à vos contextes.
Quand mettre à jour ses indicateurs de pilotage ?
En préambule, je vais d’abord traiter la question du rythme de mise à jour des indicateurs de pilotage.
En échangeant avec un consultant, ce dernier me faisait part de ses difficultés, en fin de semaine et en fin de mois, à produire ses reportings.
La raison en était simple : ses journées étaient chargées, avec beaucoup de réunions et d’alternances de tâches parfois brèves, si bien qu’en fin de semaine il se retrouvait à éplucher son planning et ses emails pour essayer de reconstituer sa semaine. Tâche laborieuse et imprécise s’il en est…
Sans prétention, je lui ai fait part de ma méthode pour être en mesure de produire un reporting précis rapidement : je mets mes indicateurs à jour systématiquement à chaque fin de tâche. Pour se faire, je compte dans le temps de la tâche le temps de la mise à jour. Donc si je dois travailler une heure sur un sujet, mon temps de travail effectif ne sera que de 50 minutes et je me garde 10 minutes pour remplir mon tableau de bord.
Est-ce à dire que je « vole » mon commanditaire de trente minutes à une heure de travail par jour ? Chacun pourra avoir son avis sur le sujet, pour ma part je considère que le pilotage fait partie de mes tâches journalières et que cela ne rentre pas dans le cadre des heures supplémentaires.
Les bons indicateurs de pilotage : quelques étude de cas réels
Reporting n°1
Observons ce premier reporting :
« Bonjour Valérie,
Ci-dessous, un reporting des différentes actions liées à mon périmètre.
L’action en cours est la complétion du document questions/réponses fournisseurs.
L’actions terminée est la réalisation d’un benchmark lié au projet panier de services.
L’actions à venir est la complétion et validation par le métier du document questions/réponses fournisseurs
Cordialement, »
Qu’en pensez-vous ? Si vous étiez le destinataire de ce reporting, vous donnerait-il satisfaction ? Pourquoi ?
Reporting n° 2
Observons ce deuxième reporting :
« Lectures de la synthèse des ateliers de travail : 1h
Essayer de régler le problème du logiciel x-XX qui ne s’affichait plus sur mon Word : 2h
Mise à jour du document « Problèmes Modèle source » (ci-joint) : 4h »
Qu’en pensez-vous ? Si vous étiez le destinataire de ce reporting, vous donnerait-il satisfaction ? Pourquoi ?
Reporting n°3
Observons ce troisième reporting :
« Durant ce premier mois j’ai tout d’abord reçu les informations de la part de la personne que je remplace.
Je me suis formé à l’outil à déployer ainsi qu’à l’outil de e-learning.
J’ai rencontré les interlocuteurs.
J’ai commencé cette semaine et la semaine dernière à animer des sessions de formation et des réunions de plan de déploiement. »
Qu’en pensez-vous ? Si vous étiez le destinataire de ce reporting, vous donnerait-il satisfaction ? Pourquoi ?
Synthèse
Quel est le défaut commun à ces trois reportings ? Il n’y a aucune mesure objective d’avancement des sujets, ils ne donnent aucune visibilité au donneur d’ordre.
Ainsi, si l’on prend le troisième exemple, seriez-vous intéressé par le fait de savoir combien de temps de le transfert de connaissances a pris ? Et s’il faut encore des heures pour le terminer ? Ou encore combien d’heures de formation ont été dispensées et combien il en reste à faire ? Combien de personnes ont été formées et combien il en reste à former ?
Si vos réponses sont oui, alors vous êtes prêts pour entrer dans le monde du pilotage quantifié.
Prise de conscience sur l’importance des indicateurs de pilotage
Transparence et confiance
Quitte à enfoncer une porte grande ouverte, je préfère cependant le rappeler : on ne pilote pas pour soi, ni parce qu’on nous le demande. Et le fait qu’un commanditaire demande à avoir de la visibilité n’est pas du « flicage ».
Pour peu que vous évoluiez dans un environnement agile, vous savez sans doute que deux des fondements de cette méthode de gestion de projets sont la transparence et la confiance. La transparence demande du courage c’est vrai, surtout quand les chiffres ne sont pas bons mais la confiance est à ce prix : la transparence coûte que coûte, dans les bons moments comme dans les coups durs.
Pourquoi piloter ?
Ainsi, on pilote pour :
- Donner de la visibilité à ses supérieurs, aux membres de l’équipe, etc.
- Anticiper : va-t-on finir à temps, plus tôt, plus tard ? De combien ?
- Rassurer ses supérieurs, les membres de son équipe, etc.
- Se protéger.
Autant les trois premiers points peuvent sembler évidents au regard de ce qui vient d’être dit, autant la notion de protection mérite que l’on s’y attarde.
Lorsqu’un maçon construit un mur, il est facile de compter combien de briques il a posé en une heure, en une journée, en une semaine, etc. Et il est également assez facile de voir si le mur est droit, s’il y a des interstices entre les briques, des problèmes d’alignement ou autre. Le travail et sa qualité sont visibles.
De plus, le chef de chantier sait à quelle vitesse le mur devrait se construire. Il sait donc de suite si son maçon travaille trop lentement, au rythme standard ou plus vite que prévu.
Si c’est trop lent, ce n’est pas forcément que le maçon n’est pas bon. Cela peut être lié au climat, à la qualité du sol, à des outils inappropriés, etc.
Si c’est trop rapide, cela ne veut pas forcément dire que le maçon est excellent. C’est peut-être aussi le signe d’un travail de moindre qualité, aux finitions bâclées.
Mais pour un cahier des charges, comment savez vous si vous avancez au bon rythme ? Si vous êtes à la traine ou en surchauffe ? Voyez vos pages comme des briques, et comptez…
Les 4 piliers du pilotage
Avant d’entrer plus en détail dans les indicateurs de pilotage pertinents pour suivre l’avancée d’un cahier des charges, gardez ces 4 piliers en tête :
- Chaque tâche doit être objectivée avec les indicateurs d’avancement adéquats.
- Le consommé et le reste à faire évoluent dans le temps.
- Le reste à faire doit être réévalué au fil de l’eau.
- Le commanditaire ne doit pas faire un effort d’interprétation ni de calcul pour comprendre votre reporting et avoir une vision claire de la situation.
Les 3 types d’avancement et leurs indicateurs de pilotage associés
De façon générale, on va distinguer trois types d’avancement. Il s’agit donc de bien les distinguer et de piocher dedans les indicateurs qui nous sont les plus utiles.
Avancement budgétaire
L’avancement dit « budgétaire », en jour.homme et/ou en devise, compte quatre indicateurs clés :
- L’estimation initiale, qui n’est plus réévaluée une fois qu’elle a été déterminée.
- Le consommé réel, mis régulièrement à jour.
- Le reste à faire (RAF) réel, lui aussi régulièrement réévalué.
- Le pourcentage d’avancement, qui est calculé ainsi : Consommé / (Consommé + RAF).
Estimation initiale
Prenons un exemple plus parlant. Admettons que je doive rédiger un manuel utilisateur pour une application. Je vais commencer par estimer (chiffrer) le temps qu’il me faudrait pour réaliser la tâche. Pour ce faire, je peux m’appuyer sur le nombre d’écrans à décrire, etc. Et j’arrive à la conclusion qu’il me faudrait 2 jours.homme. J’ai mon estimation initiale.
Je recommande fortement de ne pas modifier cette estimation une fois qu’elle a été actée, notamment pour pouvoir se confectionner des abaques. En effet, ce sont entre autres les erreurs qui permettent de progresser et plus on garde trace de ces erreurs, plus nos estimations futures seront précises.
Consommé
Ensuite, le consommé. Il s’agit tout simplement de tracer le temps réel que vous avez passé sur une tâche : 1h, 1/2 journée, 1 jour, etc. Un conseil : ne descendez pas en-dessous de trente minutes, cela devient trop compliqué à suivre. Pour rester sur l’exemple, je vais dire que j’ai déjà consommé 1j.h sur la rédaction du manuel.
Reste à faire
Le reste à faire, qu’est-ce que c’est ? C’est le temps que j’estime devoir encore passer sur la tâche afin de la mener à bien. Ce n’est donc en aucun cas un calcul mais bien une nouvelle estimation, une réévaluation.
Je m’explique. Si je dois faire 200km en voiture et que j’estime qu’il me faut 2 heures pour les parcourir, est-ce qu’après une heure de route, j’ai fait la moitié du chemin ? Peut-être… mais surtout, peut-être pas ! Si j’ai passé 30 minutes dans les bouchons et que la circulation est dense, après une heure de route, j’estime peut-être qu’il me faudra encore 2 heures pour terminer mon périple. Donc j’ai estimé 2h, j’ai consommé 1h et j’estime qu’il me faut encore 2h pour arriver.
Dans le cas de notre manuel utilisateur, après 1j.h de travail, je peux réestimer à la hausse comme à la baisse le temps qu’il me faudra pour terminer. Ici, je vais dire qu’il me faut encore une 1/2 journée pour terminer. J’ai donc mon reste à faire.
Pourcentage d’avancement
Enfin, le pourcentage d’avancement, qui est une information parlante et claire : Consommé / (Consommé + RAF) = 1/(1+0,5) = 67% d’avancement.
Avancement physique
L’avancement « physique » est souvent celui qui est le plus négligé dans le pilotage, surtout pour la conception d’un cahier des charges. Pourtant, sans cette vision, impossible de savoir ce qui a été réellement produit ! Sur mon exemple routier, dire que j’ai conduit pendant 2 heures ne signifie absolument pas que j’ai couvert les 200km, j’en ai peut-être fait que 50 !
Par conséquent, j’ai besoin de connaître :
- L’estimation initiale, non réévaluée. Par exemple, combien de pages estimées contiendra le manuel utilisateur ? Pour notre exemple, disons qu’il devrait en contenir 10.
- Le produit réel mis régulièrement à jour. Par exemple, combien de pages du manuel ai-je rédigé et validé ? Disons 7.
- Le RAF réel, lui aussi régulièrement réévalué. Disons 5.
- Le pourcentage d’avancement qui, selon la formule ci-dessus, nous donne 58%.
Avancement temporel
Ici, il s’agit de donner une vision temporelle, planifiée, des choses à l’aide d’un certain nombre de jalons :
- Dates de livraisons intermédiaires prévisionnelles.
- Date de livraison finale prévisionnelle.
- Dates de livraisons réévaluées.
- Dates de livraisons réelles.
Zoom sur les indicateurs de pilotage
Les indicateurs de pilotage communs
Quel que soit l’avancement que vous utilisiez, il s’appuie sur des indicateurs communs :
- Une ou plusieurs dates.
- Une estimation initiale.
- Le consommé.
- Le reste à faire.
- Le pourcentage d’avancement.
Les indicateurs de pilotage spécifiques
Les indicateurs spécifiques concernent l’avancement physique. En effet, que je doive animer des sessions de formation pour tout le personnel d’une entreprise ou rédiger un cahier des charges, je ne vais pas utiliser les mêmes indicateurs.
Par conséquent, il est primordial lorsqu’on s’attèle à une tâche, d’identifier le ou les éléments qui pourront être physiquement comptés. Ce peut être par exemple un nombre de pages, d’ateliers, d’interlocuteurs, de schémas, d’écrans, de cas de tests, etc.
Ainsi, pour animer des sessions de formation au sein d’une entreprise je pourrais compter : le nombre d’heures de formation, le nombre de sessions, le nombre de personnes formées, etc.
En bonus, vous trouverez ci-dessous un exemple de tableau de bord avec les indicateurs travaillés dans cet article :
En espérant que ces conseils vous seront profitables, n’hésitez pas à nous répondre en commentaire ou à vous abonner à notre newsletter en bas de cette article. Venez partager votre expérience en commentaire sur les sujets en lien avec les cahier des charges !